(1998)
Marie et le vin de Claire Huynen est une expérience innovante : pour la première fois, un roman est édité avec la musique lui correspondant. Inclus dans les pages de l’ouvrage se trouve un CD à écouter.
“L’idée de lier étroitement un texte à une musique originale avait germé dans ma tête un an auparavant. J’en avais évoqué les grandes lignes auprès de mon ami Patrice Monmousseau, initiateur des Journées du Livre et du Vin à Saumur. La rencontre avec Claire Huynen, l’auteure, fut révélatrice et je plongeais avec délices dans la subtilité de la poésie de Marie et le vin pour imaginer un climat musical bien particulier.
Le roman de Claire Huynen m’a plongé dans un monde paradoxal : j’avais à la fois l’impression d’évoluer dans un rêve singulier et en même temps, je ressentais fortement la réalité de l’univers qu’il décrit. Pour moi, le principal héros de ce livre, c’est l’amant liquide, le vin, et c’est lui que j’ai souhaité révéler dans ma musique, sorte de bulle sensuelle et apaisante.
Le lecteur a toujours le choix : lire en écoutant ma musique (une symbiose se produit alors entre les deux univers), ou bien, une fois le livre refermé, ressentir des émotions parallèles. La musique devient alors la mémoire du livre, comme un parfum peut être la réminiscence d’un être ou d’un lieu.”
Quelques propos de Claire Huynen, interviewée par Stéphane Lerouge en 1998 :
“C’est une partition qui place le lecteur-auditeur dans un climat précis, un climat de sensualité et de liquidité. Ces deux éléments clefs du livre ont été magnifiquement traduits. C’est aussi, je crois, une musique qui donne envie de boire ! (rires)
(.…) Quand le livre et la musique se superposent, naît alors une troisième identité qui échappe à l’un comme à l’autre. De fait, je ne nous considère pas comme les deux moitiés d’un même cercle, mais comme deux cercles entiers, l’un et l’autre, deux complétudes qui s’additionnent, se réfléchissent.”
Marie et le vin est né à l’occasion des 20 ans du « Cherche midi éditeur”, lors de la 3ème journée du Livre et du Vin et du 18e Salon du Livre. La cérémonie eut lieu en mars 98 à l’hôtel Lutétia à Paris.
Un extrait du roman (chapitre 1) :
C’est en se réveillant à cinq heures du matin que Marie décida que dorénavant sa vie serait exclusivement consacrée au vin et à la solitude. Elle débrancha le téléphone et se rendormit enfin apaisée. Il était dix heures lorsqu’elle se décida à se lever. Elle sortit sa vieille machine à écrire mécanique et tapa en chantonnant la lettre de démission qu’elle avait résolu d’envoyer au collège qui l’employait. Elle s’habilla d’insouciance et se rendit chez Madame Bérangère, tenancière en titre du Félix Potin, à deux pâtés de maisons de chez elle. La vieille souriait toujours, mais maintenant dubitativement, lorsque Marie posa sur son comptoir les six bouteilles de vin de pays qui signifiaient une nouvelle ère. Elle, qu’une vie saine avait résignée à du poisson et beaucoup de légumes, s’empara avec gourmandise d’une boîte de rillettes et d’un camembert soigneusement choisi parmi les plus odorants. Madame Bérangère la regarda s’éloigner déployant force imagination pour accoler à Marie un amant un peu rustre.
De retour chez elle, elle déchira méthodiquement les cours d’histoire qu’elle ressassait depuis ses débuts dans l’enseignement. Elle emplit ainsi trois sacs qu’elle descendit aussitôt à la poubelle commune de l’immeuble.
Un soleil de fin d’après-midi éclairait l’appartement lorsqu’elle s’assit pour contempler ce nouvel espace libéré.
Elle posa un doux sourire sur ses lèvres et entreprit de déboucher une des bouteilles avec le tire-bouchon acheté le matin même.…